jeudi 28 mai 2015
lundi 4 mai 2015
FAMILLE, OU ETES VOUS ?
Ceci est le cri de désespoir lancé par ce jeune homme, cette
jeune femme qui se retrouve tout(e) seul(e), abandonné à lui-même, sans soutien
d’aucune sorte, sans personne vers qui se tourner. Qu’est ce qui a bien pu
causer une telle situation ?
Revenons quelques années plus tôt. Très jeune déjà, il était
différent des autres. Son caractère, ses habitudes, sa sensibilité et parfois
même son calme en faisaient un être à part ; il n’aimait pas les jeux
brutaux qu’affectionnaient ses frères et cousins, il se passionnait pour les
arts (la musique, la cuisine, etc.). Toujours studieux, il était souvent cité
en exemple. Il aidait sa mère dans ses tâches et était très proche de celle-ci.
En grandissant, sa sensibilité s’est accentuée, malgré ses efforts pour la
cacher, malgré ses efforts pour correspondre à l’image que la société attend de
lui. Sa puberté est mal vécue et il semble se rebeller. Il change et plus
personne ne le comprend. Il s’irrite souvent et pique de grosses colères ou alors
sombre dans le mutisme. Il ne communique plus. Il se renferme et semble ne plus
avoir beaucoup d’amis. Malgré tous ces changements, ses parents ne s’inquiètent
pas, ni ne se posent de questions, les mettant sur le compte des changements
liés à l’adolescence. « Ça lui passera ! » pensent-ils. Mais
hélas, cet état ne passe pas, mais semble plutôt s’aggraver. La cause, lui-même
ne saurait la donner car ne sachant même pas ce qui lui arrive. Il est partagé
entre des désirs contradictoires, entre tous les enseignements et l’éducation
qu’il a reçus et les envies et sentiments que lui fait ressentir son
cœur : une attirance physique pour
les personnes de son sexe.
Toute sa vie, on lui a inculqué qu’un homme va avec une
femme. Toutes les représentations amoureuses qu’ils a vues mettent en scène un
homme et une femme. Qu’est ce qui justifie donc que lui ressente des désirs si
éloignés de cet état de fait ? Déjà troublé par cela, il est en plus
démoralisé parce que ne pouvant en parler avec celle-là avec qui il a tout
partagé jusqu’ici, sa confidente, sa meilleure amie qui n’est autre que sa
maman. Comment le verra-t-elle ? Quelle sera sa réaction ? Déjà
qu’elle manifeste un dégoût certain chaque fois que des scènes allusives à
« çà » sont diffusées à la télévision. Il n’a d’autre parti que de se
taire. Il essaie de lutter avec ses propres moyens, il se cherche une copine
qui lui servira de couverture auprès de ses amis et frères, mais sent déjà
pertinemment que ce n’est pas son truc. Il est malheureux et s’enferme dans le
mutisme. Il se renferme et devient taciturne, et amer. Il vit ainsi quelques
années, mais la réalité le rattrape vite parce que ses désirs frustrés sont de
plus en plus forts. Il se met à désirer tous les représentants de son sexe, à
leur trouver des qualités, à s’imaginer avec eux dans des positions
compliquées. Un jour, il rencontre quelqu’un tout à fait disposé à l’initier et
il succombe. C’est comme une illumination. Il éprouve des sensations qu’il n’a
jamais ressenties avant. Il est enfin en paix avec son cœur et son corps. Il vit
donc son homosexualité, mais découvre assez vite que le Cameroun n’est pas l’environnement
idéal pour cette vie, il le découvre à ses dépens. Sa sexualité est révélée à
ses parents en même temps qu’à la société qui le condamne à un séjour dans un
établissement pénitentiaire, car au Cameroun, le code pénal condamne l’homosexualité
en son article 347 bis. Une fois cela su, ses parents lui tournent le dos. Cette
maman qui autrefois fut son amie, sa complice, sa confidente ne le voit plus qu’avec
dégoût et haine. Il est devenu un rebut de la société, la personne à abattre. Il
est ainsi soumis en plus de sa peine privative de liberté, à la solitude et au
rejet des siens. Aucune visite en prison, aucun soutien d’aucune sorte.
Une fois sa peine purgée, il est libéré, mais n’a nulle part
où aller. Sa famille au total l’a rejeté et ne veut plus entendre parler de
lui. Sa détresse psychologique est telle qu’il songe de plus en plus à s’ôter
la vie, car en prison, en plus de sa peine, il a subi de nombreuses violations
dont il a encore le traumatisme et une fois sorti de là, le voici contraint de
se retrouver dans la rue, sans moyen de subsistance, à dormir à la belle
étoile, à la merci des prédateurs de toutes sortes. Pour survivre, il est
obligé de vendre son corps, pour oublier il se jette à corps perdu dans l’usage
de la drogue.
Tout ceci aurait pu être évité si la famille avait joué son
rôle qui est d’accompagner, d’éduquer, d’aimer et de soutenir les enfants qui en
sont issus. Cependant, personne n’est à blâmer.
En effet, l’attitude des parents peut s’expliquer par leur
ignorance, leur incompréhension face à une vérité qu’ils ne contrôlent pas,
dont ils n’ont que peu ou pas de connaissance. Les parents pris au court par
cette vérité qu’ils ne soupçonnaient pas ou ne voulaient pas voir se réfugient
dans la facilité et réagissent au quart de tour. Leur réaction est motivée par
l’éducation qu’ils ont reçue des leurs parents, l’influence des sociétés d’où
ils viennent et surtout les discours et positions dont on ne cesse de leur
rabattre les oreilles dans les Eglises. En
effet, au lieu du message de tolérance auquel on pourrait s’attendre, les
leaders religieux encouragent les attitudes homophobes et dépeignent la
différence comme un travers, une tare dont on ne peut s’affranchir qu’en
mettant hors d’état de nuire ceux par qui elle arrive. Ces enseignements et le
souci du qu’en dira-t-on poussent les familles à prendre des décisions souvent
tragiques pour leurs enfants, décisions lourdes de conséquence.
Les enfants quant à eux sont en proie à une grande
confusion. Ils ne comprennent pas leur état, leurs désirs, leurs sentiments,
car n’ayant aucune figure à laquelle s’identifier. De plus, ils sont le produit
de l’éducation de leurs parents et par conséquent ont des à priori négatifs sur
la question homosexuelle, ce qui augmente leur trouble. Ils savent d’instinct
comment vont réagir leurs parents si jamais pareille chose était sue, alors ils
se cachent pour donner libre cours à leurs penchants, souvent au mépris de
toute prudence ou protection.
Une attention particulière est nécessaire sur le rôle que
joue l’Eglise dans tout ceci. L’Eglise est censée promouvoir les valeurs de la
famille, les valeurs d’amour et d’unité, mais aujourd’hui, elle s’institue
comme le garant du rôle premier du mariage qui selon elle est la procréation,
au nom de la famille. Cependant il importe de se demander au nom de quelle
famille elle prend position en poussant les familles à rejeter et exclure
certains de ses membres. Mieux, qu’a-t-elle fait du commandement divin de l’amour ?
En dépeignant l’homosexualité comme un « complot contre l’existence de la
race humaine » comme l’a fait le Cardinal TUMI Christian dans sa dernière
sortie médiatique, l’Eglise ne se contredit elle pas ? Si l’absence de
procréation induite par l’homosexualité est un péché, que penser du célibat des
prêtres ?
Pour remédier à cet état de fait, des actions doivent être
entreprises tant par les pouvoirs locaux dans le sens de la protection des
droits des personnes homosexuelles que par la société et ses acteurs, notamment
à travers une éducation, formation et information sur les dégâts que peuvent
causer cette forme d’homophobie, ses causes, ses conséquences tant sur l’avenir
de la famille que celui de la société camerounaise. En outre, certaines
associations de la société civile, conscientes de l’importance d’une
implication dans ce domaine et soucieuses d’aider les familles à améliorer
leurs relations avec leurs enfants homosexuels ont déjà entrepris des actions
dans ce sens. C’est dans cette optique que le Collectif des Familles d’Enfants
Homosexuels (COFENHO) entreprend de rétablir le dialogue entre les enfants
homosexuels et leurs familles, former et informer celles-ci sur l’homosexualité
vécue par leurs enfants, fournir une aide psychologique à celles-ci, préparer
les enfants à faire un Coming-Out, déterminer le bon moment et être prêt à
toute éventualité. Le collectif accompagne également les enfants au dépistage
du VIH et des IST et encourage les familles à encourager et accompagner leurs
enfants au dépistage.
Le collectif des familles d’enfants homosexuels est membre du
collectif d’associations formé par SID’ADO (les adolescents contre le SIDA),
ADEFHO (association pour la défense des homosexuels et COFENHO. Le siège est l’Espace
Roger MBEDE (EROM) situé à Bali derrière Serena hôtel. Ouvert tous les jours de
09h à 18h, vous y trouverez des bénévoles tout entiers dévoués à votre écoute.
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