lundi 4 mai 2015

FAMILLE, OU ETES VOUS ?

Ceci est le cri de désespoir lancé par ce jeune homme, cette jeune femme qui se retrouve tout(e) seul(e), abandonné à lui-même, sans soutien d’aucune sorte, sans personne vers qui se tourner. Qu’est ce qui a bien pu causer une telle situation ?
Revenons quelques années plus tôt. Très jeune déjà, il était différent des autres. Son caractère, ses habitudes, sa sensibilité et parfois même son calme en faisaient un être à part ; il n’aimait pas les jeux brutaux qu’affectionnaient ses frères et cousins, il se passionnait pour les arts (la musique, la cuisine, etc.). Toujours studieux, il était souvent cité en exemple. Il aidait sa mère dans ses tâches et était très proche de celle-ci. En grandissant, sa sensibilité s’est accentuée, malgré ses efforts pour la cacher, malgré ses efforts pour correspondre à l’image que la société attend de lui. Sa puberté est mal vécue et il semble se rebeller. Il change et plus personne ne le comprend. Il s’irrite souvent et pique de grosses colères ou alors sombre dans le mutisme. Il ne communique plus. Il se renferme et semble ne plus avoir beaucoup d’amis. Malgré tous ces changements, ses parents ne s’inquiètent pas, ni ne se posent de questions, les mettant sur le compte des changements liés à l’adolescence. « Ça lui passera ! » pensent-ils. Mais hélas, cet état ne passe pas, mais semble plutôt s’aggraver. La cause, lui-même ne saurait la donner car ne sachant même pas ce qui lui arrive. Il est partagé entre des désirs contradictoires, entre tous les enseignements et l’éducation qu’il a reçus et les envies et sentiments que lui fait ressentir son cœur : une attirance physique pour les personnes de son sexe.
Toute sa vie, on lui a inculqué qu’un homme va avec une femme. Toutes les représentations amoureuses qu’ils a vues mettent en scène un homme et une femme. Qu’est ce qui justifie donc que lui ressente des désirs si éloignés de cet état de fait ? Déjà troublé par cela, il est en plus démoralisé parce que ne pouvant en parler avec celle-là avec qui il a tout partagé jusqu’ici, sa confidente, sa meilleure amie qui n’est autre que sa maman. Comment le verra-t-elle ? Quelle sera sa réaction ? Déjà qu’elle manifeste un dégoût certain chaque fois que des scènes allusives à « çà » sont diffusées à la télévision. Il n’a d’autre parti que de se taire. Il essaie de lutter avec ses propres moyens, il se cherche une copine qui lui servira de couverture auprès de ses amis et frères, mais sent déjà pertinemment que ce n’est pas son truc. Il est malheureux et s’enferme dans le mutisme. Il se renferme et devient taciturne, et amer. Il vit ainsi quelques années, mais la réalité le rattrape vite parce que ses désirs frustrés sont de plus en plus forts. Il se met à désirer tous les représentants de son sexe, à leur trouver des qualités, à s’imaginer avec eux dans des positions compliquées. Un jour, il rencontre quelqu’un tout à fait disposé à l’initier et il succombe. C’est comme une illumination. Il éprouve des sensations qu’il n’a jamais ressenties avant. Il est enfin en paix avec son cœur et son corps. Il vit donc son homosexualité, mais découvre assez vite que le Cameroun n’est pas l’environnement idéal pour cette vie, il le découvre à ses dépens. Sa sexualité est révélée à ses parents en même temps qu’à la société qui le condamne à un séjour dans un établissement pénitentiaire, car au Cameroun, le code pénal condamne l’homosexualité en son article 347 bis. Une fois cela su, ses parents lui tournent le dos. Cette maman qui autrefois fut son amie, sa complice, sa confidente ne le voit plus qu’avec dégoût et haine. Il est devenu un rebut de la société, la personne à abattre. Il est ainsi soumis en plus de sa peine privative de liberté, à la solitude et au rejet des siens. Aucune visite en prison, aucun soutien d’aucune sorte.
Une fois sa peine purgée, il est libéré, mais n’a nulle part où aller. Sa famille au total l’a rejeté et ne veut plus entendre parler de lui. Sa détresse psychologique est telle qu’il songe de plus en plus à s’ôter la vie, car en prison, en plus de sa peine, il a subi de nombreuses violations dont il a encore le traumatisme et une fois sorti de là, le voici contraint de se retrouver dans la rue, sans moyen de subsistance, à dormir à la belle étoile, à la merci des prédateurs de toutes sortes. Pour survivre, il est obligé de vendre son corps, pour oublier il se jette à corps perdu dans l’usage de la drogue.
Tout ceci aurait pu être évité si la famille avait joué son rôle qui est d’accompagner, d’éduquer, d’aimer et de soutenir les enfants qui en sont issus. Cependant, personne n’est à blâmer.
En effet, l’attitude des parents peut s’expliquer par leur ignorance, leur incompréhension face à une vérité qu’ils ne contrôlent pas, dont ils n’ont que peu ou pas de connaissance. Les parents pris au court par cette vérité qu’ils ne soupçonnaient pas ou ne voulaient pas voir se réfugient dans la facilité et réagissent au quart de tour. Leur réaction est motivée par l’éducation qu’ils ont reçue des leurs parents, l’influence des sociétés d’où ils viennent et surtout les discours et positions dont on ne cesse de leur rabattre les oreilles dans les Eglises.  En effet, au lieu du message de tolérance auquel on pourrait s’attendre, les leaders religieux encouragent les attitudes homophobes et dépeignent la différence comme un travers, une tare dont on ne peut s’affranchir qu’en mettant hors d’état de nuire ceux par qui elle arrive. Ces enseignements et le souci du qu’en dira-t-on poussent les familles à prendre des décisions souvent tragiques pour leurs enfants, décisions lourdes de conséquence.
Les enfants quant à eux sont en proie à une grande confusion. Ils ne comprennent pas leur état, leurs désirs, leurs sentiments, car n’ayant aucune figure à laquelle s’identifier. De plus, ils sont le produit de l’éducation de leurs parents et par conséquent ont des à priori négatifs sur la question homosexuelle, ce qui augmente leur trouble. Ils savent d’instinct comment vont réagir leurs parents si jamais pareille chose était sue, alors ils se cachent pour donner libre cours à leurs penchants, souvent au mépris de toute prudence ou protection.
Une attention particulière est nécessaire sur le rôle que joue l’Eglise dans tout ceci. L’Eglise est censée promouvoir les valeurs de la famille, les valeurs d’amour et d’unité, mais aujourd’hui, elle s’institue comme le garant du rôle premier du mariage qui selon elle est la procréation, au nom de la famille. Cependant il importe de se demander au nom de quelle famille elle prend position en poussant les familles à rejeter et exclure certains de ses membres. Mieux, qu’a-t-elle fait du commandement divin de l’amour ? En dépeignant l’homosexualité comme un « complot contre l’existence de la race humaine » comme l’a fait le Cardinal TUMI Christian dans sa dernière sortie médiatique, l’Eglise ne se contredit elle pas ? Si l’absence de procréation induite par l’homosexualité est un péché, que penser du célibat des prêtres ?
Pour remédier à cet état de fait, des actions doivent être entreprises tant par les pouvoirs locaux dans le sens de la protection des droits des personnes homosexuelles que par la société et ses acteurs, notamment à travers une éducation, formation et information sur les dégâts que peuvent causer cette forme d’homophobie, ses causes, ses conséquences tant sur l’avenir de la famille que celui de la société camerounaise. En outre, certaines associations de la société civile, conscientes de l’importance d’une implication dans ce domaine et soucieuses d’aider les familles à améliorer leurs relations avec leurs enfants homosexuels ont déjà entrepris des actions dans ce sens. C’est dans cette optique que le Collectif des Familles d’Enfants Homosexuels (COFENHO) entreprend de rétablir le dialogue entre les enfants homosexuels et leurs familles, former et informer celles-ci sur l’homosexualité vécue par leurs enfants, fournir une aide psychologique à celles-ci, préparer les enfants à faire un Coming-Out, déterminer le bon moment et être prêt à toute éventualité. Le collectif accompagne également les enfants au dépistage du VIH et des IST et encourage les familles à encourager et accompagner leurs enfants au dépistage.

Le collectif des familles d’enfants homosexuels est membre du collectif d’associations formé par SID’ADO (les adolescents contre le SIDA), ADEFHO (association pour la défense des homosexuels et COFENHO. Le siège est l’Espace Roger MBEDE (EROM) situé à Bali derrière Serena hôtel. Ouvert tous les jours de 09h à 18h, vous y trouverez des bénévoles tout entiers dévoués à votre écoute.

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